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Dutrou, Miró, Rolland et une fidélité

Ce livre pour aveugles a nécessité douze personnes, chacune avec leurs métiers différents : le graveur — moi —, le typographe, le tailledoucier, l’imprimeur, le relieur, le traducteur en braille, et l’auteur des poèmes. Un livre d’art a toujours une histoire lourde, plus encore que toute autre œuvre. C’est une trop grosse entreprise. Il faut, pour qu'elle soit menée au bout toute une énergie, tout ce désir et cette inscription dans un temps plus long encore que sa réalisation et sa diffusion : je ne peux pas appeler cela autrement qu’une relation de filiation, ou d’affiliation. Ce livre m’a coûté deux ans de vie, des difficultés de tous ordres, y compris financières. Pourquoi ?

Dutrou venait de mourir, et j’ai voulu en quelque sorte continuer ce qui m’était apparu comme le meilleur de lui-même : « lui » montrer que j’étais digne de sa confiance. Or lui, dans sa vie, avait fait UN livre pour aveugles, dont le graveur n’était autre que Joan Miró. Ils étaient tous deux amis, et Miró avait fait de Dutrou le légataire universel de ses gravures. Un jour, Miró gravait chez Dutrou, et voilà qu’arrive une petite nièce de Robert, aveugle de naissance. Elle s’amusait et posait ses mains partout. Rencontrant la plaque de Miró, elle dit : « Qu’est-ce que c’est beau ! On dirait un oiseau… » Le cœur des deux hommes a fondu et ils décidèrent de fonder une association caritative pour que les aveugles puissent avoir accès à l’art. Ils placèrent tout leur savoir dans un livre. Miró grava sept plaques, Dutrou demanda à des adolescents de l’AVH d’écrire des poèmes, ensuite traduits en braille. Le livre a été fait, Robert a tenté de le vendre. Cher, car chaque vente devait permettre d’offrir un chien à un aveugle. De son vivant, il a peut-être vendu trois livres… J’ai assisté à une remise de chien d’aveugle, à la Métairie. Voilà, c'est pour cela que j'ai réalisé ce livre

Les poèmes de mon ami de longue date, le poète Fernand Rolland, sont des inédits que je suis allé pêcher dans un de ses cahiers d’écolier manuscrits, qu’il a sorti pour moi de son armoire, en guise de cadeau. J’en ai extrait huit poèmes, dont la caractéristique commune est une sensibilité particulière à la nature et aux sens.

Jacques Caux

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