"En Puisaye" est le titre de la revue d'art éditée par la Centre d'Art graphique de La Métairie Bruyère. En 1999, le Centre organisait une rétrospective des oeuvres de Jacques Caux et publiait, pour l'occasion, un nouveau numéro.
En voici la couverture et un texte imprimé à l'intérieur
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Au début, le bœuf courait dans la plaine.
Eveillé, la faim au ventre, l’homme se leva,
Le poursuivit parmi les chants des calames
En lui lançant des traits enragés
Pour finalement le dévorer avec les siens.
Sans cesse hanté par son image agitée
Dans la lumière des torches de suif,
Au fond des trous, sur des parois blanches,
Il l’exposa aux compagnons de son âge,
Ivres chasseurs gavés de souvenirs,
Prières, promesses et menaces.
Puis le bœuf défait resta prisonnier
D’un enclos derrière une ferme.
Un paysan avide se mit à compter
De l’animal et ses semblables, les cornes,
Les pattes et même la queue qui bouge.
Il y en avait tant qu’il fallut dessiner
Plus petit, encore et toujours plus simple,
Pour une nouvelle lecture: la tienne, lecteur !
Mais le vieux ne veut pas peindre le bœuf.
Paysan à peine sorti de l’origine du monde,
Après avoir écrit jusqu’à retrouver la forme :
Que nous dit-il ?
- Voici sous mon pinceau,
o La peur de l’abattoir
o Le regret des pâturages
o Le désir du taureau.
Et toutes ces choses que l’on croit
Passées dans la tête des uns et des autres
Qu’ils soient sur quatre pattes, dans un pré
Ou bien attablés entre le Tholon et la Motte
À attendre un jour de plus que l’on sonne.
Il nous fait des signes, tricotés en schémas
Qui ne sont ni mots,ni images
ni écritures, ni peinture.
Peut-être des idées, les siennes, de vieux.
Qu’y voit-on ? Un vague reflet ?
Une œuvre miroir où l’artiste attend,
Sûr de sa mise en scène, le regard d’un autre.
Mais qui donc avance masqué sur cette toile ?
Toi ami,, qui prétends au langage universel ?
Toi, ami, qui vis ta souffrance en étranger ?
Crois-tu un instant à la mise en équations
Des humeurs, des tensions ?
Un schéma pour tout contenir :
L’animal, la course de l’homme et tout ce tintouin…
Que reste-t-il de la fleur piétinée par leurs pieds ?
Philippe SOUBIROUS