Pas à pas

1.

Je reporte mon dessin sur une plaque de terre, je découpe, je laisse sécher, je ponce, assemble et cuis une première fois.

2.

Ensuite, vient le travail d’émaillage.

En général, j’achète des émaux de base; je fais des mélanges pour obtenir la palette que je désire. Avant, j’avais le choix, il existait un certain nombre de distributeurs, mais maintenant tous ces petits commerçants ont fermé ou ont été rachetés, et on n’a plus qu’une seule palette… J’en achète aussi à l’étranger, mais cela n’élargit pas beaucoup le spectre. Aujourd’hui, c’est véritablement plus difficile de se faire une palette originale. Ce brun que j’obtenais ressortait bien sur une certaine qualité de terre, mais cette terre n’est plus fabriquée. Il a donc fallu que je réadapte l’émail. Mais bon… tout ça est un problème récurrent, à travers toute l’histoire de l’art. Trouver des couleurs a toujours été dépendant des conditions matérielles et financières de l’artisan… Ce qui est pitoyable aujourd’hui, c’est le contraste entre la richesse monétaire réelle et l’indigence de goût qui préside même à ce commerce des métiers rares…

 

3.

Je pose les émaux par nappage ou par trempage. Soit je prends mon morceau d’argile préparé, et je nappe le morceau avec le liquide renversé — jamais déposé au pinceau. Soit je le baigne complètement dans le bain d’émail, et je nettoie le dessous avant de mettre dans le four.

Ensuite, je cuis les émaux par couleur, à cause de la température propre à chaque mélange. Je fais donc plusieurs céramiques à la fois.

 

4.

Mais là, on entre dans la question de la maîtrise de la matière et des effets… Ces derniers sont prévus d’avance, et les rendus ne sont pas dus au hasard.

Ce qui fait travailler un émail différemment, c’est le fait d’y inclure ou non des oxydes métalliques. Pour tel brun chaud par exemple, je pars d’un émail jaune avec de l’oxyde de manganèse et, selon la proportion, j’obtiens un brun plus ou moins foncé.

Pour d’autres effets, je fais en sorte que des émaux cristallisent lorsque le four atteint une certaine température : cela donnera non pas un nappage uni mais un brillant cassé, sur lequel va venir jouer la lumière.

5.

D’autres fois, j’inclus des cailloux contenant des oxydes métalliques avec un fondant : ils fondront à une température précise, et se répartiront dans l’émail, plus ou moins aléatoirement.

6.

De même pour les craquelures : jouer sur la densité de la poudre d’émail dans de l’eau permet d’obtenir un craquelé plus ou moins serré. Le craquelé se fait forcément sur une surface claire, sinon il reste peu visible. Mais quand le morceau sort de la cuisson, on ne décèle pas le craquelé : je passe alors de l’encre de chine qui se loge dans les craquelures de l’émail et les noircit ; je nettoie ensuite l’émail, et ne restent que l’encre dans les nervures. 

7.

Il ne faut pas confondre cela avec l’effet de cratère, de dégradé concentrique de la couleur sur un même morceau d’argile. Pour cela, il faut déjà un émail épais et non filtré, avec des grumeaux ; puis on place la pièce à un endroit particulier du four, où la température ne viendra pas saisir également toute la surface du morceau. La pièce soumise à des tensions mécaniques différentes, c’est là que vont se faire les cratères. C’est un résultat aléatoire, très beau.

Jacques Caux

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