Pendant un temps j’ai fait des statues, dites-moi s'il y a plus primitif que cela… Cro-Magnon, déjà...
Puis sont venus les panneaux muraux : c’était la transposition de mes peintures en céramique. Je voulais une céramique décorative, et mes premiers bas-reliefs n’étaient pas émaillés, seulement dessinés en relief ou en creux et découpés.
L’émail n’est venu qu’en dernier. Je désirais de plus en plus transposer ma technique de tableau en céramique — d’ailleurs, elle ressemble beaucoup plus aux tableaux qu’au début. Les céramiques sont des tableaux en terre, qui apportent quelque chose de plus que la peinture : le phénomène de la lumière. La peinture crée des effets de lumière, mais l’éclat est la majesté de la céramique.
Quand je fais le même sujet, en peinture et en céramique, j’ai deux variations très différentes, même si j’ai le même dessin. On peut voir cela avec La Tortue, par exemple. Pourtant, la différence avec la peinture réside dans le rapport à la matière. Quand je fais un tableau, je ne mets pas en forme : je raconte une histoire, c’est un langage que je trace. Avec les céramiques, c’est d’abord une victoire bien plus lourde qui se joue — se gagne ou se perd — face à la matière, face à ce qu’elle devient au feu. L’argile côtoie toujours l’informe.
J’ai commencé les émaux dans les années 75-80. La fin de ma période de statues est venue le jour où je me suis rendu compte que, comme moyen d’expression, j’étais dans une impasse : je suis alors revenu au Schématisme et à la « 2D ». La peinture a repris la place de l’activité guidant mes autres recherches. Sauf que les tableaux en céramique permettent une variation très fine du relief : chanfreins, ombres, morceaux arrondis ou biseautés, dessins en creux, émaux d’opacités différentes… J’ai fait des tableaux dans lesquels jouait, malgré tout, cette troisième dimension.
Et surtout, c’est la transparence qui joue sa partition: les émaux sont proches du verre, un verre coloré monté à température pour devenir pâteux puis qu’on laisse tranquillement reposer. Littéralement, l’émail c’est du verre fondu et refroidi, d’où cette allure de nappage, de jeu avec la transparence, le vu et le caché, etc.