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Revue de presse et bibliographie

La stricte empreinte d’une épreuve

Jacques Caux me fait un honneur en m’accueillant dans cette revue, parmi ses amis.

Le Bourguignon invite la Languedocien avec tous les risques que cela comporte et qu’il connaît très bien. Ça n’a pas l’air de l’inquiéter. Moi si, parce que je vais le décevoir. Il m’a demandé de ne pas parler de lui et, pourtant, je vais le faire. Avec un grand plaisir.

Pour tenir compte de son attente et ne pas trop le faire bisquer, je ne parlerai pas de ses sculptures, de ses céramiques, de ses estampes et autres tableaux. D’abord parce que cette partie de son œuvre se passe aisément de mes commentaires et d’autres sauront bien mieux la célébrer. Mais aussi parce que ce bûcheron au mauvais caractère ne se cantonne pas dans le monumental. Les grosses mains de ce Danton au visage d’épure, d’énormes paluches à fabriquer du beau, sont aussi adaptées au marbre de Carrare qu’à de petits bijoux ciselés au modelage de grandes Vénus callipyges qu’à la délicatesse du pinceau chinois, à la cuisson de vingt mètres carrés de céramiques qu’à une cuisine raffinée, et à l’artisanat du bâtiment autant qu’à la poésie.

Alors, sans aucun scrupule, je vais toucher à l’architecture de certains de ses vieux recueils de poèmes pour éclairer, en quelques touches, une autre architecture, celle du Jacques Caux que je connais et dont je me sers les jours de gros temps. J’irai, droit à la facilité, ramasser quelques cailloux brillants au hasard des traces qu’il a laissées lui-même, au risque, qu’après cet exercice, il ne me parle plus… qu’après un sarcasme.

Et d’abord, évidemment, la masse : … un titan, ça ne plie pas, ça dure et puis ça casse… (Quêtes). Mais, pourquoi pas aussi :… le héron solitaire au fond d’une vasière… (Attaches) ? Ça ne m’étonnerait pas, je connais l’oiseau. J’hésiterais sur le pirate de mer ou sur le vil braconnier, mais je garantis le troubleur d’eau claire.

En tout cas, c’est sûr, celui qui souffre d’exiger de l’autre presque autant qu’il exige de lui-même.

Celui qui marche pieds en sa tête et dont le destin, il le sait (il le dit), est tout de ballottage. Mais l’exigeant aux pieds nus ne serait que casse-bonbons sans le troubleur d’eau claire dont les failles font la force… J’ai perdu la mémoire, je n’ai plus qu’un dehors… (Quêtes). Mon dehors est dedans… (Solitude). Celui-là même qui donne à voir à l’autre la géométrie de l’attente. Et l’autre en reste bleu.

Et puis, au milieu de tous les mots rares (enchanteurs ou barbares) qui émaillent ses poèmes, un vers strictement ajusté qui, là où il est, dit tout : Seulement voilà … (Solitude). Un vers qui tient sa place comme un seigneur parce qu’il puise sa force deux pages avant : Ah le sommeil lucide des faucons en plein vol… Ah le réveil pâteux des opérés du crâne… Agiter si l’on veut, mais, surtout, ne pas délayer dans l’eau claire. D’autant plus que l’eau claire est ailleurs :… Et qui l’emportera du bruit ou de l’enfance ?... Il a cru qu’il suffisait d’aimer… A marcher en avant on ne voit plus derrière… Mais je n’ai jamais su te raconter à toi…

L’eau claire est avec… la bronchite de l’horloge et la peine de cœur du robinet… Elle est avec un de mes cailloux préférés : La vieille horloge a soupiré / Etait-ce toi qui y rangeais le linge / ou l’aïeule inconnue qui y mourait encore ?

Jacques Caux fait partie de ces hommes qui ressemblent à des arbres et dont la noblesse se lit dans leurs défauts. Des défauts dont chacun est la stricte empreinte d’une épreuve.

Le bonheur c’est que, bien des années après ces poèmes, ces céramiques, ces sculptures, ces tableaux, une profusion d’œuvres nous le dise encore.

René LAFFITTE. 15 Août 2000

Jacques Caux

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